Des scientifiques ont utilisé des outils informatiques pour étudier les interactions entre les protéines contenues dans les aliments et la levodopa.
Depuis plus de quarante ans, la levodopa est le standard en matière de traitement de la maladie de Parkinson. Utilisée pour rétablir le niveau de dopamine, le messager chimique manquant dans le cerveau des patients, elle prévient les troubles moteurs associés à la maladie. La levodopa est prise oralement et son absorption au travers de la paroi intestinale peut être limitée par certains aliments riches en protéines comme la viande, les œufs, les produits laitiers ou les fruits de mer. En effet, le médicament est transporté dans la circulation sanguine depuis l’intérieur du tube digestif via les mêmes transporteurs que les acides aminés alimentaires, les briques de base qui constituent les protéines. De ce fait, un régime alimentaire riche en protéines va entraîner une compétition pour l’accès à ces points d’entrée. La quantité de levodopa qui atteint les vaisseaux sanguins puis le cerveau va alors diminuer et il en découle des fluctuations dans le contrôle moteur, particulièrement chez les patients aux stades avancés de la maladie.
Le professeur Ines Thiele et Marouen Ben Guebila, tous les deux chercheurs au Luxembourg Centre for Systems Biomedicine de l’Université du Luxembourg, ont étudié les mécanismes biologiques impliqués grâce à la modélisation par ordinateur et se sont intéressés à différentes stratégies alimentaires qui pourraient atténuer ces problèmes. « Nous avons développé un modèle détaillé du système digestif qui décrit le transport puis l’absorption des nutriments et du médicament » explique le professeur Thiele. Cette représentation précise de ce qui se passe à l’intérieur du corps humain constitue un outil puissant pour répondre à certaines questions : pourquoi les acides aminés interagissent-ils avec le traitement ? Où et quand ces interactions ont-elles lieu ?
« Nos résultats montrent que les patients aux stades les plus avancés bénéficieraient particulièrement d’apports complémentaires avec des aliments ou des acides aminés spécifiques » détaille Marouen Ben Guebila. « Leur transit gastro-intestinal est ralenti et le médicament peut être dégradé dans leur estomac ou leur intestin. De ce fait, après un repas riche en protéines, la concentration sanguine en levodopa reste, chez ces patients, inférieure au seuil thérapeutique en dessous duquel le traitement n'est pas efficace ». En accord avec les observations cliniques, les simulations ont aussi souligné que ne manger des protéines qu’une seule fois le soir (régime de redistribution des protéines) est plus efficace que de réduire la quantité en protéines à chaque repas (régime pauvre en protéines).
Toutes les protéines se valent-elles ? Pas d’après le modèle : des acides aminés différents ont des effets différents sur l’absorption de la levodopa. La sérine, un acide aminé qui se retrouve dans le soja, n’entre pas en compétition avec le médicament dans l’intestin, stimule sa sécrétion dans la circulation sanguine et augmente également l’activité des circuits dopaminergiques. Un régime alimentaire riche en sérine pourrait donc améliorer l’efficacité du traitement et permettre un meilleur contrôle des symptômes moteurs. Une étude clinique durant laquelle des patients au stade avancé de la maladie ont testé différents régimes alimentaires a d’ailleurs permis de confirmer les résultats obtenus par ordinateur.
Ces travaux font la démonstration de l’intérêt des modèles pour mettre au point des stratégies nutritionnelles adaptées : ils constituent la première étape vers une optimisation des recommandations alimentaires en termes de quantité, de composition et d’horaires. Ils mettent surtout une fois de plus en lumière l’importance du régime alimentaire dans le traitement de la maladie de Parkinson.