Définir les priorités de recherche en collaboration avec les personnes atteintes de la maladie de Parkinson et les professionnels de santé

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Dans le cadre d’un projet de recherche européen, baptisé CENTRE-PD, des scientifiques du Luxembourg, d'Allemagne et du Royaume-Uni ont collaboré afin d’identifier les sujets les plus importants pour les personnes atteintes de la maladie de Parkinson et les professionnels de santé qui travaillent avec eux. Le but de cette étude : définir les questions auxquelles les chercheurs doivent s'attaquer en priorité dans le futur. Les participants ont dû classer 27 questions de recherche préexistantes par ordre d’importance et pouvaient également faire leurs propres suggestions et formuler leurs besoins. En analysant les résultats de cette enquête, les chercheurs ont pu mieux comprendre les priorités des patients et des professionnels de santé. Ils ont également pu étudier l’impact de différents facteurs socio-économiques sur les priorités choisies par les participants.

Un partenariat pour rapprocher les patients de la recherche scientifique

Pour rapprocher patients, professionnels de santé et cliniciens, et pour que la recherche soit plus en harmonie avec les besoins des patients, il est important de développer des partenariats entre ces différents groupes. Ces partenariats, appelés « Priority Setting Partnerships », permettent d’identifier les principales questions de recherche, de sélectionner les plus importantes et de les classer par ordre de priorité. Il y a quelques années, l’association de patients anglaise Parkinson's UK a entrepris ce travail pour la maladie de Parkinson. En se basant sur les résultats obtenus en Angleterre, le projet CENTRE-PD a étudié plus en profondeur ces priorités de recherche, en incluant non seulement les personnes atteintes de la maladie de Parkinson mais aussi leurs proches et les professionnels de santé impliqués. « Grâce aux efforts conjoints, nous avons pu étudier les priorités de recherche dans un cadre international avec près de 900 participants de trois pays européens, ce qui a permis des comparaisons géographiques, » explique le professeur Krüger, coordinateur du National Centre for Excellence in Research on Parkinson’s Disease (NCER-PD) et responsable de l'étude au Luxembourg.

Parmi les priorités identifiées : la kinésithérapie et les traitements médicamenteux

Dans l'enquête CENTRE-PD, les participants ont dû classer les 26 questions de recherche identifiées par Parkinson's UK ainsi qu’une question supplémentaire portant sur les difficultés d'élocution. Ils pouvaient aussi ajouter leurs propres suggestions que les chercheurs ont analysé de manière thématique afin d’identifier les dix thèmes les plus récurrents.

Au Luxembourg, l'enquête a été envoyée à plus de 1600 participants de l'Étude luxembourgeoise sur la maladie de Parkinson. Les patients ont de plus été invités à partager l'enquête avec leurs proches et environ 700 professionnels de santé ont aussi été invités à participer. Cela a permis une participation particulièrement élevée des amis et des membres de la famille des patients ainsi que des professionnels de santé au Luxembourg.

Les résultats montrent que deux questions de recherche figurent parmi les principales priorités, que ce soit dans le Grand-Duché ou dans les deux autres pays impliqués dans l’étude : les exercices permettant d’améliorer la force musculaire et l'équilibre (kinésithérapie) et les traitements médicamenteux adaptés aux différents stades de la maladie. La grande majorité des 10 premières priorités choisies par les participants était similaires dans tous les trois pays, bien que les classements différent légèrement. Par exemple, au Luxembourg la question  « Quels traitements sont utiles pour réduire les problèmes d'équilibre et les chutes ? » occupe la première place tandis qu'en Allemagne et au Royaume-Uni, les participants ont placé la kinésithérapie tout en haut du classement.

L’impact des facteurs socio-économiques et les suggestions des participants

Les priorités des participants diffèrent également en fonction de certains paramètres socio-économiques. Les chercheurs ont étudié  l’impact de facteurs tels que le niveau d'éducation, le statut économique et les conditions de vie et remarqué que le niveau d'éducation semble par exemple influencer le choix des priorités. En effet, les participants les moins instruits ont plus souvent inclus parmi les priorités la gestion du stress et de l'anxiété, le traitement des dyskinésies (ces mouvements involontaires qui sont un effet secondaire de certains médicaments) et le suivi de la réponse aux traitements. « De façon générale, la dépression et l'anxiété sont des problématiques plus présentes dans les populations ayant un niveau d'éducation peu élevé, ce qui pourrait expliquer pourquoi ce sujet est particulièrement pertinent pour ce groupe de participants, » explique Anne-Marie Hanff, doctorante et auteur principal de l'étude au Luxembourg. « Il est par ailleurs intéressant de souligner que dépression et mauvaise humeur liées à la maladie étaient des thèmes récurrents parmi les suggestions de priorité que les participants pouvaient ajouter, ce qui montre l'importance de ce sujet pour beaucoup. »

Une autre thématique bien classée parmi les suggestions ajoutées par les participants est le diagnostic précoce de la maladie de Parkinson. Cette question est déjà au cœur de la recherche menée au Luxembourg : la nouvelle étude « Viellir en bonne santé » (www.heba.lu) qui a récemment débuté dans le pays et dans la Grande Région vise en effet à étudier les méthode de dépistage des troubles neurodégénératifs. Une enquête en ligne est d’ailleurs en cours.

Des priorités différentes pour les professionnels de santé

Cette étude a aussi montré que les priorités diffèrent entre patients et professionnels de santé. Les professionnels de santé ont en effet placé les questions relatives aux problèmes d'équilibre, aux chutes et à la réduction des tremblements tout en haut du classement. Ils ont aussi inclus le freezing of gait (gel de la démarche) et les problèmes de déglutition parmi les dix premières priorités. Tous ces symptômes ont un impact sur la sécurité des patients, ce qui pourrait expliquer pourquoi les professionnels de santé leur accordent le plus d'importance. Ces nettes différences de priorité entre patients et professionnels montrent l'importance des partenariats qui permettent d'impliquer les patients, d’identifier les sujets prioritaires ensemble et d'élaborer des politiques de recherche pertinentes pour tous.

« Plus les chercheurs cliniques collaborent étroitement avec les personnes atteintes de la maladie de Parkinson, plus les résultats de la recherche auront un impact fort. Dans l'idéal, il faudrait que les patients puissent donner leur avis directement aux chercheurs afin de créer une boucle d’information continue allant du laboratoire au chevet du malade, » déclare Anne-Marie Hanff. « Il est important d'écouter les patients pour savoir à quelles difficultés ils sont confrontés et mener des recherches ciblées permettant d’améliorer leur quotidien. » C’est ainsi que, pour répondre à l'une des principales priorités identifiées (les exercices permettant d’améliorer la force, la souplesse et l’équilibre), les kinésithérapeutes du réseau ParkinsonNet Luxembourg sont spécifiquement formés pour aider au mieux les personnes atteintes de la maladie de Parkinson.

Référence: Francesca Bowring et al. (2022). Exploration of whether socioeconomic factors affect the results of priority setting partnerships: updating the top 10 research priorities for the management of Parkinson’s in an international setting. BMJ open, 12(6), e049530. https://doi.org/10.1136%2Fbmjopen-2021-049530